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  1. Solari

    'Ndrina Sciabola

    Au travers des opérations menées à l’international et sur le sol canadien, plusieurs « états des lieux » de l’organisation calabraise ont été dressés : chacune de ces opérations prouve la capacité d’adaptation de la ‘Ndrangheta et la fidélité de ses membres, atouts spécifiques qui rendent nos acquis rapidement obsolètes. La collaboration, celle des témoins de la justice (repentis), dont la 'Ndrangheta a été presque immunisée en raison de sa structure familiale, rend le chemin du repentir et de la dénonciation beaucoup plus difficile en comparaison à d’autres organisations criminelles. Dans le cadre de l’Opération Crimine par exemple, et autres investigations, le Gouvernement du Canada tente de dresser au mieux le portrait de cette structure encore énigmatique et « fluide ». Les dernières années ont été marquées par des conflits armés, parfois intestins, des arrestations importantes, et différents clans identifiés dans le pays ; informations qui, opérationnellement, peuvent différer de la façon schématisée ici. Au moins 9 familles ont été recensées en Ontario et principalement dans la zone de Greater Toronto Area. Familles liées à la Società di Siderno en Italie : Locale de Thunder Bay, Commisso, Figliomeni, DeMaria, Familles liées à certains clans de Gioiosa Ionica en Italie : Ursino (arrested), Verduci (murdered) D’autres familles avaient également été recensées, par exemple : Tavernese/Andrianò – Coluccio – Ruso. A notre connaissance, et selon la répartition géographique opérationnelle opérée dans le Sud de l’Italie (3 mandamenti, Ionico, Tirrenico, et Città), une importante part des familles en place au Canada et notamment à Ontario seraient issues de ‘ndrine originaires de Siderno et de Gioiosa Ionica qui, en Italie, dépendent du mandamento Ionico. Il existe une chambre de contrôle (camera di controllo) dédiée à la zone Etats-Unis–Canada et similaire à celles de Lombardie, de Ligurie, de Turin, et d’Australie. Les Crime Families Musitano (en peine depuis quelques années, baroud d’honneur quasi-achevé par l’assassinat de Pat Musitano en juillet 2020), Luppino-Violi (histoire particulière, liens étroits avec LCN - notamment la Buffalo CF) et Papalia (opère aussi en Italie et entretient des liens privilégiés avec la ‘ndrina Barbaro et la Buffalo CF) opèrent également au Canada et sont identifiés comme affiliés à la 'Ndrangheta. En dehors de l’Italie et en Amérique du Nord, une certaine souplesse serait de mise quant aux règles traditionnellement fixées par l’organisation en Italie, avec des façons plus flexibles de s’organiser et de travailler avec les externes (contrastes) ou avec des individus d’origine italienne sans liens de sang avec les clans. Parmi ces familles qui tirent leurs origines de Siderno, et qui a tendance à passer sous les radars, le clan Sciabola profite d’une position plus modeste en comparaison à ses « grandes sœurs » de Toronto même, zone soumise aux jeux de pouvoirs entre clans ‘Ndrangheta, LCN et autres organisations criminelles locales. Le clan a privilégié la « colonisation » de territoires plus sauvages de l’Ontario, et elle serait visiblement affiliée à la Locale de Thunder Bay. Les prémices de la ‘ndrina Sciabola en Ontario se situeraient entre les années 1970 et 1980, soit lors des Première et Seconde grandes guerres intestines de la ‘Ndrangheta en Italie. Cette génération a ouvert les portes de l’Amérique du Nord à son clan et a su tirer son épingle du jeu pendant que l’organisation vivait de profonds changements structurels en Calabre. Déjà dans certaines bourgades et communes de l’Ontario, certaines cosche malavitosa (bandes de rue) virent le jour avec parmi ses rangs des profils plus modernes que ceux auxquels nous étions généralement confrontés : strictement éduqués, violents, jeunes et qui apprennent à voir tout « inconnu » comme un être dénué d’humanité, beaucoup ont profité d’une impunité quasi-totale face à leurs actes, et se préparent déjà à prendre le rôle de la nouvelle génération prête à combler la soif de conquête de la pieuvre calabraise. D’après la quantité restreinte d’informations trouvée dans les archives mises à disposition par le gouvernement italien, puis comparées au modus operandi actuel du clan Sciabola en Italie et au Canada, cette cellule ‘ndranghetiste tirerait bien elle aussi ses origines de Siderno en Calabre (ce qui rend la connexion à la Locale de Thunder Bay et leur présence sur le territoire plus « vraisemblables »). Certaines sources retracent des liens de sang entre quatre familles "majeures" qui vinrent fonder et renforcer le clan tout au long du 20e siècle (Sciabola – Grieco – Cappo – Sigari). La position et la structure de la Locale de Thunder Bay est encore à approfondir et à démystifier, l’existence de ce groupe n’ayant été « confondu » par les autorités qu’à partir de l’opération Crimine 2. Les procureurs antimafia en Italie ont révélé en juillet 2010 qu’une cellule dans le nord de l'Ontario (Thunder Bay) avait été découverte après que des ‘ndranghetistes canadiens se soient rendus en Italie pour discuter de l'initiation de 12 nouveaux « soldats » dans la Locale de Thunder Bay et ainsi promettre une "renaissance criminelle" après des décennies de léthargie telle que personne ne semblait savoir qu'elle existait. Outre Rocco Etreni, personnage influent de Thunder Bay, d'autres résidents du Canada sont recherchés et arrêtés en Italie, notamment : Giuseppe Bruzzese, 65 ans, Cosimo Cirillo, 54 ans, Cosimo Etreni, Antonio Minnella, tous de Thunder Bay. A également été arrêté Salvatore Femia, 33 ans, né à Toronto mais vivant aujourd'hui en Italie. Après ce coup de filet qui a fait tomber les supposés chefs locaux, on ne peut que constater que les activités criminelles du clan Sciabola ont été menées à rude épreuve : une raison de plus qui motiverait ce détachement vers Los Santos. On souligne diverses connexions attachées à : Les liens du clan en Calabre (Società di Siderno), sa lignée familiale et les relations/alliances convenues (on parle principalement d’arrangements maritaux conclus au fil des années entre les familles et clans originellement indépendants), Le réseau local du clan au Canada, établi par la génération de Salvatore « Cocco » Sciabola (Locale de Thunder Bay, famille Chianese), et ailleurs (‘ndrina Giampà) Le réseau local renforcé par la jeunesse du clan (notamment en renforçant les liens avec les représentantes locaux des familles Giampà, Chianese…). Parmi les activités qu’endosse le clan Sciabola, hors de la sphère « légale » et en cours d’investigation pour la plupart voire avérées pour certaines, on trouve : trafic de drogue, blanchiment d'argent, trafic d'armes, extorsion, prêts usuriers (shark loans), racket, contrebande, contrefaçon, recel, vol, fraude, escroquerie, prostitution, évasion fiscale, marchés publics, jeux de hasard, gestion des déchets, corruption, meurtre, infiltration de l'administration publique Cette liste reste à nuancer avec la taille modeste du Clan en comparaison aux ‘ndrine et locali les plus influentes auxquelles nous sommes confrontées, malgré la diversité des faits cités ci-dessus. En représentant le majoritaire contributeur des traffick routes principales des fournisseurs de drogues vers l’Europe (California Express route, The Medusa route et l’axe Montevideo – Brésil – Gioia Tauro), la ‘Ndrangheta calabraise permet à ses détachements à l’international de bénéficier d’ententes commerciales privilégiées avec ces mêmes fournisseurs (drogues, armes notamment). Par ce biais, la ‘Ndrangheta jouit de relations privilégiées : Avec les organisations criminelles de la zone des Balkans, ex-groupes yougoslaves ou autres pays du Sud-Est de l'Europe (Albanie, Bulgarie par ex). En Amérique du Sud et du Nord Notamment au Brésil, en Colombie, au Mexique, au Vénézuela... ‘Ndrangheta sait faire affaire avec les cartels, les groupes de rebelles et de mercenaires brésiliens du fin fond de l’Amazonie (organisations criminelles ou politico-criminelles, tant d’extrême-gauche que d’extrême-droite) Le Canada, comme vu dans ce rapport, mais aussi les USA subissent déjà à minima des détachements des familles Archino, Commisso, Racco et Sergi d’Italie. On note des liens étroits entre LCN et ‘Ndrangheta en Amérique du Nord et en Italie. Aussi en Afrique, en Australie (et Nouvelle-Zélande), en Asie. Ces positions renforcent le sentiment de proximité avec les réseaux implantés dans le Sud du continent américain (San Andreas, Miami, New York, Canada). Les règles qui régissent le trafic en place dans la région de San Andreas privilégieraient toujours le Cartel du Golfe (et Los Zetas) pour le ravitaillement de drogues et d’armes ; ils sont les acteurs historiques de la région. Tout porte à croire que la ‘ndrina Sciabola tentera la mise en place d’un canal d’approvisionnement d’armes ou de cocaïne au-delà d’activités plus « classiques » : le clan jouit d’une réputation, même modeste, de par ses connexions citées précédemment. Précisément à Los Santos, on note les connexions suivantes selon les enquêtes menées par le FBI pendant la dernière décennie, croisées à l'Opération Spada au Canada : OPERATION SPADA - Ayant des représentants à Toronto, la famille Chianese et le clan Sciabola entretinrent des ententes commerciales notamment pour améliorer la position régionale dans le secteur des marchés publics (construction principalement), et dans le secteur de la gestion des déchets. En complément, une enquête n’ayant pas donné de suite se concentrait sur un réseau de trafic d’armes avec les frères Chianese comme responsables logistiques depuis Toronto vers les caches d’armes du clan Sciabola dans la région. Les frères Chianese (avec les frères Brigante) ont été identifiés par le FBI en 2019 comme ayant été intronisés dans la famille italo-américaine Ruggiero malgré leur appartenance à la 'Ndrangheta. OPERATION SPADA - En Italie, le clan entretient des liens privilégiés-amicaux avec la famille Fazzolari d’origine calabraise et sicilienne ; Jeremy Fazzolari était l’un des affranchis de la Ruggiero Mob à Los Santos jusqu’à sa mort en fin d’année 2019, et aurait même missionné son associé Philip Pariani au courant de l’année 2019 pour renflouer les rangs du clan au Canada sur un segment de marché spécifique. Dans une autre mesure, toutefois similaire à la mission de Pariani, Paul Lanza (affranchi) aurait aussi été placé au Canada après avoir négocié une porte de sortie pour développer le secteur du monde de la nuit à Thunder Bay et ainsi s'échapper d'une atmosphère menaçante pour son intégrité à LS. Les enquêtes menées par les agents Ashton, Angelica Montagna et Rob Kowalski du FBI sur la Ruggiero Mob à Los Santos auront fait découvrir la présence d’ententes LCN – ‘Ndrangheta à San Andreas (ententes F. Ruggiero – S. Calabrese) – 2014, 2019-2020. Opérationnellement, il est supposé que les membres du Clan qui semblent confluer vers Los Santos sont des individus de la société mineure. Au Canada, aucune relation directe avec la Società maggiore n’est établie selon nos informations (inconnu pour l’Italie). Cette nouvelle génération, « américanisée », s’est formée sur un terrain de jeu propice au développement d’un caractère belliqueux et à l’encontre des règles de la société. A l’exception de certains membres qui cadreraient potentiellement les troupes, le clan semble vouloir mettre en place un modèle de bandes / cellules organisées dans Los Santos, sous la tutelle des ‘ndranghetistes « confirmés » en gardant dans une certaine mesure une hiérarchie horizontale, avec des grades et « fleurs » propres à l’organisation calabraise et par extension propres aux traditions et rites des familles du clan. Ces bandes de jeunes peuvent nous faire penser à celles connues lors des « golden years » de La Cosa Nostra (par ex 10th & Oregon Crew), et c’est un aspect sur lequel le clan Sciabola semble miser pour s’étaler. STRUCTURELLE - STRATEGIQUE Stratégiquement parlant, le clan est potentiellement dépendant de plusieurs « référents » : la Locale de Thunder Bay en Ontario, la Società di Siderno, la chambre d’Amérique du Nord (USA-Canada)… En complément de ces sphères, auxquelles le clan reporte plus indirectement que directement, certaines investigations en 2019 ont mené à la découverte des Buon Ordine di Vibo Valentia et di Sant'Onofrio, ce qui semble être un modèle qu’affectionnerait particulièrement la ‘Ndrangheta en dehors de son terrain de jeu originel, l’Italie. Difficilement qualifiable à ce stade de nos recherches, comparable à une Locale en plus agile, plus indépendante, plus stratégique, cette structure frise l’officiel et l’officieux, le formel et l’informel, et engloberait « de force » les familles implantées dans son giron. A ce jour, aucune preuve de l’existence d’une telle structure à San Andreas est entre nos mains, ni de liens directs de ce présumé Buon Ordine avec la chambre de contrôle d’Amérique du Nord. Une potentielle opportunité pour le clan de structurer justement un Buon Ordine de San Andreas, gagner en légitimité et ainsi se détacher partiellement de la gouverne du « Siderno Group » d'Ontario. Le décès d’un parent Sciabola au Mexique et la perte de puissance de la Locale de Thunder Bay, sans mentionner la faible influence du clan-mère en Italie, représenteraient tout autant de raisons pour le clan de placer ses pions de la sorte. Los Santos étant une région stratégique de l’Etat, le potentiel y est, mais la concurrence extra et intra-organisationnelle est bien susceptible d’apparaître au vu des enjeux qui découlent de ce projet.
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